Club Vosgien Giromagny

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BOT20170311

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Sortie Botanique du 11 Mars 2017

Journal de la sortie du 11 Mars 2017

Thème

Nivéoles

Organisateur

Agnès GRESET

Lieu

Forêt de ROPPE (Territoire de BELFORT)

Nombre de participants

une vingtaine

Commentaires d'Agnès GRESET

A la recherche d’une station de nivéoles. Pour y accéder, emprunter le chemin conduisant au fort de Roppe au bord de la départementale 7 à proximité d’Eloie.

Ce parcours étant en forêt militaire, nécessité de demander une autorisation à la base de défense de Belfort.

Sur les 1218,13 ha de ce massif forestier, 401,49 ha appartiennent aux communes d’Offemont, Vétrigne, Eloie et Roppe, 472,64 ha au ministère de la défense, répartis sur les 4 communes et 344 ha aux propriétaires privés. Pour connaître les propriétaires, on repère les traits de couleur peints sur les arbres qui limitent les parcelles : jaune pour les forêts militaires, rouge pour les forêts communales et bleu pour les forêts privées. A l’entrée du sentier, un chêne remarquable de plus de 22m de hauteur et 4m de circonférence, certainement très vieux, a vu nombre de soldats faire le guet ! L’un d’eux y a gravé un cœur, maintenant entouré d’un bourrelet de bois fabriqué par l’arbre pour tenter de l’absorber. La première plante fleurie, le tussilage ou pas d’âne apprécie beaucoup les talus et montre ses fleurs avant l’apparition de ses feuilles. Ce qui est l’inverse pour la ficaire fausserenoncule qui recouvre les talus humides et les fossés d’un tapis vert. Il faudra encore patienter pour observer ses fleurs jaunes étoilées. Une autre petite plante, la dorine à feuilles opposées, se plait dans les vallons humides, près des sources et des ruisseaux. Ses petites fleurs jaune-verdâtre n’ont pas de pétales et doivent leur couleur aux sépales et aux étamines. Sur un arbre couché, le lierre a montré qu’il pouvait avoir plusieurs aspects. A la base du tronc, les feuilles sont découpées et palmées (les nervures principales partent du même point) et au sommet de l’arbre, elles sont entières et pennées (une nervure principale et des nervures latérales). A l’extrémité des rameaux, des ombelles de petites baies vertes puis noires ont remplacé les fleurs de l’automne. Le lierre a trouvé la lumière pour se transformer et s’épanouir ! Une autre liane, le chèvrefeuille des bois s’enroule autour des jeunes arbres ou des branches. Quand l’arbre grossit, il lui est impossible d’écarter la tige du chèvrefeuille. Par réaction, il fabrique un bourrelet de bois autour de celle-ci. Il lui restera une cicatrice en souvenir de son étranglement ! Parfois envahissantes, ces lianes peuvent recouvrir leur support et ralentir leur croissance. Dans ces lieux très humides, il n’est pas étonnant de rencontrer l’aulne avec ses petits cônes pendants : les strobiles, petits fruits contenant des graines munies de flotteurs leur permettant d’être dispersées par l’eau. A la base du tronc d’un aulne, une mousse rare, plagiothecium undulatum mérite notre attention.


Dans la forêt, se créent des relations entre les êtres vivants, dont nous pouvons voir quelques exemples :


  • le parasitisme avec l’amadouvier (fomes fomentarius) en forme de sabot de cheval qui exploite l’arbre jusqu’à entrainer sa mort, mais qui indirectement favorise les oiseaux : ceux-ci trouvent nourriture et abri dans le bois ramolli.

  • Le saprophytisme des champignons décomposeurs qui se nourrissent de matières mortes, ex : chlorociboria aeruginascens, colorant de vert de gris les branches mortes et montrant ses belles fructifications vert-bleuté en forme de petites coupes.

  • La symbiose avec deux associés ne pouvant se passer l’un de l’autre : une algue et un champignon formant un lichen, une association à bénéfices réciproques ! Le champignon protège l’algue de la sécheresse et l’algue lui fournit la nourriture qu’elle a fabriquée grâce à sa chlorophylle.


Après avoir traversé une pessière (plantation d’épicéas), où des collybies comestibles(strobilurus esculentus) poussent sur les cônes d’épicéas enterrés et les décomposent, nous arrivons enfin à proximité de la station de nivéoles, reconnaissable à ses milliers de clochettes blanches. Les nivéoles trouvent dans cet endroit des conditions idéales pour leur développement (des pentes ombragées, des feuillus, aucun résineux, un sol humide riche en humus et parcouru par de nombreux petits ruisseaux). Fleurissant dès la fin février, les feuilles disparaîtront en mai-juin. Il ne restera que les bulbes souterrains qui refleuriront à la fin de l’hiver suivant. De chaque pied de nivéole se dressent 3 à 4 feuilles étroites et allongées d’un beau vert foncé luisant ainsi qu’une longue tige au bout de laquelle pend une seule fleur. Celle-ci sort d’une bractée (sorte de petite feuille) qui protégeait le bouton des dernières rigueurs de l’hiver. En fin de floraison, la fleur forme un fruit (une capsule en forme de petite poire) qui produit des graines. Ces graines seront emportées par les fourmis et semées de ci de là sur leur parcours ou autour de leur colonie. Les fourmis sont attirées par des appendices charnus fixés sur les graines. Elles les consomment à l’exclusion de la graine. Ne pas confondre nivéole et perce-neige. La fleur de nivéole (leucojum vernum) est formée de 6 tépales blancs (sépales et pétales ayant la même apparence) ponctués de vert, alors que la fleur de perce-neige (galanthus nivalis) possède 3 grands sépales blancs et 3 courts pétales bordés de vert. Bien qu’elles soient de la même famille, celle des amaryllidacées, elles ne se plaisent pas ensemble et ne fréquentent pas les mêmes stations ! Au cours de ce parcours, la géologie et l’histoire ont également été évoquées. Ce secteur se trouve à la limite du grès rouge et du grès rose vosgien.

  • Le grès rouge s’est formé au permien : dernière période de l’ère primaire. Il provient de l’érosion des Vosges hercyniennes, hautes montagnes de l’ère primaire. Sables et argiles se sont accumulés dans des bassins au pied des Vosges sous climat tropical et se sont consolidés,  la couleur rouge étant due à l’importante oxydation du fer contenue dans ces sédiments.

  • Le grès rose s’est formé au trias (première période de l’ère secondaire). Il provient de l’érosion d’un continent situé à l’ouest dont les produits (sables, argiles et galets) ont été charriés par des fleuves et ont recouvert les Vosges, réduites à cette période à l’état de pénéplaine. Le grès rose a fourni la pierre de construction pour le fort de Roppe, la cathédrale St Christophe, la citadelle de Belfort, etc.


Après avoir découvert cette station unique de nivéoles, il ne restait plus qu’à quitter ce lieu de la forêt de Roppe, appelé « Grand bois », non pas pour sa grande taille mais au fait qu’il appartenait à des terres seigneuriales (seigneurie de Roppe) et aux forêts mazarines (ces forêts faisant partie d’une donation d’immenses domaines par le jeune roi Louis XIV au cardinal de Mazarin).